DÉCRYPTAGE - Malgré un fort mécontentement général, les Français se joignent de moins en moins aux mouvements sociaux...
Une mobilisation «moyenne, sans doute pas à la hauteur de nos attentes». Telle était la prédiction du secrétaire général de la CGT,
Bernard Thibault, pour la journée d’action qui s’est déroulée ce mardi
afin de protester contre le plan d’austérité du gouvernement.
Même si plus d’une centaine de rassemblements, accompagnés de grèves ponctuelles, étaient prévus à l'appel de cinq syndicats, le mouvement s’est effectivement révélé bien modeste. L’échec de l’importante mobilisation contre la réforme de retraites, il y a un an, est passé par là. Mais pas seulement.
Une «situation difficile» sur le terrain
«Ce gouvernement nous a imposé des réformes, n’a pas écouté le
mouvement majoritaire sur les retraites, n’a pas tenu compte de l’avis
des salariés qui pensent désormais que sur ces grands enjeux de société,
on ne le fera pas bouger», avance Nadine Prigent, secrétaire confédéral
CGT, contactée par 20 Minutes.
Malgré le fort mécontentement qui est dans l’air actuellement, les
syndicats évoquent ainsi une «situation difficile» sur le terrain et
font un «constat lucide». «Il y a beaucoup d’inquiétudes et d’attente
sociale, les mesures d’austérité sont considérées comme injustes, mais
on sent qu’il y a des difficultés à traduire cela dans des mobilisations
interprofessionnelles», ajoute Nadine Prigent.
Une période pré-électorale pas favorable
Joint par 20 Minutes, Jean-Louis Malys, secrétaire national
de la CFDT, évoque la période pré-électorale. «Le message social est
moins audible car trop politisé», selon lui. «Les gens se mettent dans
une situation d’attente, mais ce n’est pas notre point de vue, il faut
continuer à mettre les questions sociales au cœur de la campagne, on ne
peut pas dire que l’on va les régler après la présidentielle», renchérit
Nadine Prigent.
Pour sa part, Stéphane Sirot, historien et spécialiste des mouvements sociaux, confirme à 20 Minutes
qu’«au niveau national, il y a eu toute une série de défaites assez
cuisantes, c’est un élément qui pèse» et que la période pré-électorale
provoque un «sentiment d’attente».
Une unité syndicale mise à mal
Cependant, il ajoute d’autres éléments à charge contre les syndicats.
Outre leur unité qui a du mal à perdurer, «leur choix de mobilisation
se révèle inefficace et contre-productif», selon l’historien. «Les
syndicats ont mis de côté le principe de grève reconductible, campant
sur les journées d’action ponctuelles qui ne font plus reculer le
pouvoir politique et découragent au bout du compte», explique-t-il.
Ecartant la «fatalité» qui toucherait les mouvements nationaux,
Nadine Prigent s’appuie alors sur les «luttes locales» dans lesquelles
est engagé son syndicat dans «un certain nombre de secteurs». Mais pour
Stéphane Sirot, «une organisation syndicale ne peut pas prendre la
décision de se replier sur le local.»
Grève reconductible ou alternance au pouvoir
Pour l’historien, la grève reconductible est ainsi le seul moyen
encore viable aujourd’hui pour établir un rapport de force avec le
pouvoir politique, qui lui permettre ainsi de faire des concessions.
«Mais les directions syndicales ont beaucoup de mal à s’engager dans
cette démarche, ça leur fait peur», indique-t-il.
Autre solution: une alternance politique à la tête de l’Etat qui
offrirait une «petite bouffée d’air» et une «survie à court terme» pour
les syndicats. Ils «ont besoin d’une victoire politique pour montrer
qu’elle est le résultat du mécontentement, car si la majorité actuelle
est reconduite, la défaite de la réforme des retraites sera confirmée,
ce serait un échec supplémentaire dont ils auraient du mal à se
relever», analyse Stéphane Sirot.
En attendant, par cette journée d’action, que Jean-Louis Malys
requalifie même de «sensibilisation», les syndicats affirment avoir
voulu au moins assurer «une présence médiatique et sur le terrain». «On
n’a jamais pensé qu’il y aurait une forte mobilisation, mais ça n’augure
rien pour l’avenir. Nous on doit être présents et audibles», conclut le
secrétaire national de la
CFDT.
Corentin Chauvel-20 minutes