Adrial: Le courage dont vous faites preuve dans la lutte
que vous menez vous honore autant qu'il inspire ceux qui aspirent à une
société décente et paisible. Vous êtes un de ces rares hommes dont
l'action politique aujourd'hui a un sens. Cependant, vous ne semblez pas
vouloir vous rapprocher d'un quelconque parti et votre attitude face à
votre syndicat témoigne assez d'une volonté certaine d'une certaine
indépendance. Voici ma question : à quoi tient cette volonté?
Pensez-vous qu'il n'est pas d'issue politique par les partis, voire, par
quelque organisation politique qui soit, ou bien n'est-ce que
prudence?
La seule volonté qui me conduit c’est de défendre l’usine et les
emplois et la vie d’une vallée.. C’est un instinct de survie.. Après sur
l’issue politique, j’y crois, néanmoins en France on adore mettre les
gens dans des cases, et j’ai l’impression que pour l’instant je ne
rentre dans aucune case, mais je crois dans la chose publique, donc la
république. Mais vous avez raison, je reste prudent aussi, j’ai même
plutôt intérêt.
Hirkaal: M. Martin, vous qui avez clâmez haut et fort qu'il
fallait "foutre Sarkozy dehors", vos rêves se sont-ils réalisés avec
notre nouveau président? Avec du recul, pensez-vous que Sarkozy aurait
pu faire mieux qu'Hollande qui finalement n'a rien dit d'autres que "je
ne peux pas vous faire de promesses..."?
Mes rêves ne se sont pas réalisés, néanmoins, la différence entre Nicolas Sarkozy
et François Hollande est simplement de 163 millions d’euros. Nicolas
Sarkozy prétendait défendre Florange en ayant obtenu 17 millions d’euros
d’investissements, aujourd’hui nous en sommes à 180. Le combat n’est
pas terminé puisque nous espérons bien obtenir le projet de captage de
CO2 qui relancerait les hauts fourneaux de Florange.
Delphine: Edouard, cela fait des mois, des années que tu te
bats pour les autres, pour le bien de la société... N'est-il pas temps
de penser un peu à toi, de te reposer?
Si tu as raison, bisous.
Odile: Dans votre combat, vous avez surtout parlé chiffres
et argumenté sur la viabilité du site. On ne vous a guère entendu sur la
'culture de l'acier' et l'aspect symbolique des hauts fourneaux en
Lorraine, alors que ces aspects auraient pu sensibiliser un plus grand
nombre de personnes encore. Pourquoi?
Vous avez raison. Et vous savez très bien, dans nos sociétés, les
symboles et l’affect font rarement avancer les dossiers industriels
surtout face à toute la classe “des sachants” très médiatisés qui ont
voulu nous ramener sur ce terrain là. Nous avons voulu être pragmatique
et expliquer qu’il n’y avait aucune raison économique de fermer le site,
même si le symbole est très fort.
Phfence: Finalement, vous n'avez toujours pas l'impression qu'en "ne lâchant rien", vous perdez tout?
Non, même réponse : février 2012 nous étions à 17 millions, aujourd’hui nous en sommes à 180 , ça nous donne de l’espoir.
Nicolas: Pour toute une frange de la population, vous
apparaissez comme un héros des temps modernes, un de ces héros que l'on
croyait oublié depuis les romans de Zola. Et comme tous les héros, vous
avez un destin. Comment ferez vous pour le pousser jusqu'au bout?
Je ne me considère pas comme un héros, je ne suis qu’un parmi tant
d’autre, certes médiatisé, et le seul destin auquel j’aspire c’est de
pouvoir m’occuper de ma compagne et de ma fille. Vous voyez bien ça n’a
rien de “Germinal”...
Pat: Vous êtes le représentant d'un syndicat qui a signé
avec le patronat les accords sur la flexisécurité. Ne vous sentez-vous
pas trahi?
Non, car dans nos industries et nos usines, ça fait bien longtemps
que la flexibilité existe car les commandes ne sont pas linéaires chez
nous et même si la contrainte est réelle, cela a permis de maintenir les
emplois.
Odile: Vous êtes le leader syndical CFDT. Qu'est ce qui vous différencie de FO, la CGT et de CFC dans l'approche du dossier Florange?
Nous n’avons pas de dogme, nous avons cherché des solutions réelles en étant force de propositions sans à priori.
Marie-Noelle: Bravo pour ton combat pour Florange.
Maintenant je trouve que «ta belle gueule» passe un peu trop à la télé,
et surtout que tu t’emballes un peu avec ton livre. Es-tu certain
d’être à ta place aujourd’hui? On a cette impression qu’un de ces jours
on va te voir au cinoche…
Merci mais je suis d’accord avec toi, je trouve qu’on voit trop ma
gueule à la télé...mais tu connais les médias. Quant au bouquin, je le
répète, c’est pas mon idée à l’origine, mais s’il peut aider la
cause,pourquoi se priver. Quant au cinoche, je te rassure, je suis
meilleur syndicaliste qu’acteur.
Odile: Finalement, le noyau dur de ce combat a mobilisé
assez peu de personnes. Pourquoi? Les Lorrains se sont-ils résignés?
dans les années 1980 ils avaient défilé à plusieurs dizaines de milliers
à Paris. Qu'est ce qui a changé?
Gestion managériale par la peur, par la pression, les chantages. Et puis ce qui a aussi beaucoup changé, c’est que nous sommes tous prisonniers de nos crédits. ça n’aide pas à des périodes de conflits.
Calorix: Bravo pour votre combat. Mais, à la CFDT, ceux qui
se battent se sentent-ils soutenus dans leur combat par leur direction?
Pour un Martin, combien de Notat et de Chérèque?
Simplement depuis le premier jour, je suis soutenu par ma
fédération et ma confédération. je n’ai pas à me plaindre de mon
organisation contrairement à d’autres, même si ça ne parait pas.
Cquel: Je vous ai entendu dire que vous souhaitiez vous lancer en
politique. Auriez vous plutôt tendance à rejoindre un parti existant,
Lutte Ouvrière, NPA, Front de Gauche ou préfériez vous créer votre propre parti?Je n’ai encore rien décidé, et si toutefois ça devait se faire , évidemment ça serait dans un parti existant pour ne pas en rajouter à la cacophonie actuelle. Affaire à suivre...
Jp: De la part d'un Camarade de la Construction Bois 88, merci pour l'image que tu donnes des syndicalistes et pour votre combat à tous mais aussi pour nous avoir permis de bien comprendre un sujet somme toute très complexe. Voilà ma question: "Chez Ruquier samedi dernier, tu évoquais la possibilité de faire de la politique, moi je pense que l'on a plus besoins de toi dans le monde syndical, (notamment en Lorraine) que dans le monde politique. Et toi qu'en penses-tu?
Bonjour Jp, après vingt mois de lutte, aucune action syndicale ne nous a échappé, et finalement tout ça n’a pas vraiment fait peur aux élus et au pouvoir politique. C’est seulement lors d’une discussion entre copains, que nous avons émis cette hypothèse, et nous avons vu les politiques réagir. donc, on se dit que finalement c’est l’hypothèse d’une entrée en politique qui leur fait vraiment peur. Notamment à ceux qui ont fait de la politique un métier. c’est une réflexion en cours, rien n’est tranché.
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