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jeudi 27 octobre 2011

L'Europe à un tournant


Plus encore qu’à une crise des dettes publiques, c’est à une crise politique que l’Europe fait aujourd’hui face. Explications 
 
De quoi cette crise est-elle le nom ?

Au plus fort de la crise de 2008-2009, les États ont injecté massivement des liquidités dans l’économie afin de tenter de sauver ce qui pouvait l’être. Ce faisant, ils ont laissé dériver leurs comptes publics. Aux États-Unis, le déficit public tourne autour de 10 % du PIB, et la dette atteint 100 % du PIB. En Europe, l’endettement des États membres dépasse largement les critères de Maastricht 1, la moyenne de la zone euro étant supérieure à 85 % du PIB – contre 66,3 % en 2007. Comme toutes les moyennes, ce taux masque de fortes disparités. La dette publique représente près de 120 % du PIB en Italie (qui vient de voir sa note dégradée) ou en Irlande… et 160 % en Grèce.
Cumulée à une croissance en berne, cette situation entraîne la spirale de l’endettement que connaissent aujourd’hui les pays les plus exposés de la zone euro. Sans croissance, l’emploi stagne, le chômage augmente, les entreprises renoncent à investir ; résultat : les dépenses augmentent, les recettes diminuent, aggravant à leur tour les déficits publics et creusant davantage encore la dette. Ce cercle vicieux conduit les marchés financiers à douter de la capacité de remboursement des États. Ce faisant, ils accroissent, par leurs jeux spéculatifs, le coût de la dette, imposent des plans d’austérité qui tuent dans l’œuf toute perspective de reprise, faisant planer le spectre d’une panne globale de l’économie.
 
Quels sont les risques pour la zone euro ?
 
L’Europe semble retenir son souffle, les yeux rivés sur la Grèce. Et pour cause : l’annonce, début septembre, que la dette y était désormais « hors de contrôle », les mesures d’austérité prises pour réduire l’endettement ayant littéralement étranglé l’économie, rend de plus en plus plausible un défaut de remboursement du pays. Or dans une zone euro où les économies – et donc les dettes – font système, la défaillance d’un État à l’égard de ses créanciers (banques, investisseurs institutionnels, autres États à travers leurs fonds souverains) ne serait pas sans conséquences. D’une part pour ses créanciers eux-mêmes, puisque cela équivaudrait à une perte nette d’actifs ; d’autre part pour les autres États de la zone euro, en raison d’un risque de contagion, en particulier aux pays du Sud, les plus menacés. À terme, un éclatement de la zone euro ne serait plus à exclure. Une situation qui serait catastrophique pour l’ensemble de ses États membres. « L’abandon de la Grèce à son sort serait économiquement et socialement désastreux pour l’ensemble des pays de la zone euro », estime le secrétaire général adjoint de la CFDT, Marcel Grignard.
 
Pourquoi les banques sont-elles concernées ?
 
On observe actuellement un transfert du risque souverain aux banques privées qui détiennent de la dette publique. Les marchés financiers anticipent un défaut de paiement de la Grèce, qui dévaloriserait le ratio fonds propres-crédits des banques les plus exposées parce qu’elles détiennent le plus de titres de dette publique.
Avec, à la clé, le retour du risque systémique, comme au lendemain de la faillite de Lehman Brothers. Les bilans des banques sont jugés non stables, les banques ne se font plus confiance, le crédit interbancaire s’arrête. Parallèlement, les investisseurs craignant la répétition du scénario de 2008, ils entraînent le marché dans une spirale baissière qui dévalorise de fait les actifs bancaires.
Dans une telle situation, « seules les banques centrales peuvent agir, explique le secrétaire confédéral Emmanuel Mermet : elles sont les prêteurs en dernier ressort, la dernière bouée de sauvetage des banques à cours de liquidités quand elles n’échangent plus entre elles. C’est ce que l’on vient d’observer le 15 septembre dernier quand les banques centrales de la zone euro, des États-Unis, du Royaume-Uni, de Suisse et du Japon ont décidé de prêter des dollars aux banques européennes de manière conjointe ».
 
Existe-t-il des solutions à cette crise ?
 
« Les décisions pour mettre fin à la crise des dettes publiques seront difficiles et coûteuses », prévient Marcel Grignard. La seule certitude, à l’heure actuelle, est que l’Europe ne peut pas ne pas agir : « Le sauvetage de la Grèce coûtera, mais toujours moins qu’un éclatement de la zone euro. » La principale piste pour éviter ce scénario noir consiste à mutualiser une partie des dettes – avec les fameuxeurobonds (obligations communes des États de la zone euro). Cela aurait l’avantage de mettre un coup d’arrêt à la spéculation sur le risque de défaut de ces dettes et de rendre moins coûteux le coût du crédit pour les États les plus endettés – qui bénéficieraient alors de la crédibilité des pays les plus vertueux. Une option suggérée dès la fin de l’année 2010 par le président de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, et de plus en plus largement partagée.
 
Quelles sont les conditions d’une sortie de crise ?
 
Cette solution n’est pas sans contreparties. Cela suppose que, parallèlement à la mutualisation d’une partie de leur dette, les États s’astreignent à une stricte discipline commune sur le plan budgétaire pour contenir puis résorber leur endettement. Or le laxisme pratiqué depuis des années à l’égard des critères de Maastricht a montré que la seule bonne volonté ne suffisait pas. Mutualiser les dettes exige donc d’« engager une convergence budgétaire et économique » qui requiert comme préalable un nouveau transfert de souveraineté. Dans un climat d’euroscepticisme latent, défendre une telle solution exige un courage politique que la proximité d’échéances électorales en France en 2012 et en Allemagne en 2013 ne favorise pas.
Pour l’heure, les options prises ont toutes été « tardives, partielles et a minima », regrette Marcel Grignard. Dernier exemple en date : la réunion des ministres des Finances de la zone euro, à Wroclaw, les 17 et 18 septembre. En dépit de l’exhortation des États-Unis à trouver un accord sur la gestion de la crise, ils ont décidé… de ne rien décider, en repoussant à la mi-octobre la mise en œuvre du deuxième plan de sauvetage de la Grèce, annoncé le 21 juillet. Au risque d’aggraver la crise.
 
Que peut faire le syndicalisme dans la période ?
 
Quelle que soit l’issue des tergiversations des dirigeants européens, se contenter de résorber les dettes publiques ferait courir le risque d’une panne globale de l’économie. « La maîtrise des déficits doit se conjuguer avec une politique de relance à travers des investissements européens d’avenir et un accroissement du socle social, plaide le secrétaire général adjoint de la CFDT. La solidarité européenne doit également se traduire sur le plan social. » Parallèlement, « l’enjeu est de faire en sorte que les efforts soient équitablement répartis et n’obèrent pas les perspectives d’avenir. » C’était le message de l’euromanifestation organisée à l’appel de la Confédération européenne des syndicats. C’est celui que continuera de porter la CFDT.
 
Aurélie Seigne
 
(1) Un déficit limité à 3 % du PIB et une dette ne dépassant pas 60 % du PIB. L’Europe au tournant de la crise

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